Tumultes
Peintures. 2010
Pigment, huile & liant sur toile.
"Petite tentative de soutien"
"L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas s'isoler; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent, apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous..."
Albert camus.
Discours du 10 décembre 1957 lors de la clôture pour l'attribution des prix Nobel.
Discours du 10 décembre 1957 lors de la clôture pour l'attribution des prix Nobel.
Liu Xiaobo. Pigment,huile & liant. Polyptyque, 100x480cm. Collection particulière, Paris.
Gomorra. Pigment, huile & liant. 100x80cm. Collection particulière, Paris.
Révélation. Pigment, huile & liant 100x80cm. Collection personnelle.
Kaos. Pigment, huile & liant 100x80cm. Collection particulière, Paris
Hommage à P. Impastato. Pigment, huile & liant 100x80cm. Collection particulière, Paris
Conscience. Pigment, huile & liant. Polyptyque 100x560cm
R.Saviano. Pigment, huile & liant sur toile. Triptyque 100x240cm
Terremotto. Pigment, huile sur toile. Triptyque 100x240cm
"Non sei solo!" Pigment, huile & liant. diptyque 100x160cm. Collection particulière, Paris.
G.Falcone. Pigment, huile & liant sur toile. Diptyque 80x200cm
"Rosso". Pigment, huile & liant sur toile. Diptyque 100x160cm
Nero. Pigment, huile & liant sur toile. Diptyque 100x160cm. Collection particulière, Paris
Rosso. Pigment, huile & liant sur toile. Diptyque 100x160cm
Solo. Pigment, huile & liant sur toile. 50x60cm
Hommage à fabrice schall. Pigment, huile & liant sur toile. Polyptyque 160x180cm.
Collection particulière, Paris.
Collection particulière, Paris.
Omerta. Pigment, huile & liant sur toile. 60x80cm
Piccolo Kaos. Pigment, huile & liant sur toile. Polyptyque 140x90cm
Piccolo Kaos. Pigment, huile & liant sur toile. Polyptyque 140x90cm. Collection particulière, Sénégal.
Rosso. Pigment, huile & liant sur toile. 80x60cm. Collection particulière, Paris.
Pulsion. Pigment, huile & liant. 80x60cm. Collection particulière, Paris.
Pulsion. Pigment, huile & liant 80x60cm. Collection particulière, Italie.
Résistance. Pigment, huile & liant sur toile. Triptyque 80x160cm.
Revendication. Pigment, huile & liant sur toile. Diptyque 80x120cm
Colère. Pigment, huile & liant sur toile. diptyque 24x38cm
Vote blanc. Pigment, huile & liant sur toile. 80x60cm
Verbe. Pigment, huile & liant. 80x60cm.
2. 80x60cm
3. 80x60cm
4. 80x60cm. Collection particulière, Paris.
Cécile et l’engagement du moi dans le regard de
l’autre :
Glissements progressifs dans les mots déguisés
en couleurs
Or moi, bateau perdu sous les
cheveux des anses,
Jeté par l’ouragan dans
l’éther sans oiseau,
Moi dont les Monitors et les
voiliers des Hanses
N’auraient pas repêché la
carcasse ivre d’eau
A. Rimbaud Le bateau ivre
Les toiles de Cécile se succèdent, s’entrelacent et se parlent entre elles
pour instaurer le dialogue, le vrai, celui qui nait de l’intériorité du
peintre, de son travail solitaire, pour s’adresser à l’observateur,
interlocuteur privilégié et incarnation d’une mise en question. Lieu physique,
physiologique presque, d’une confrontation nécessaire. Le travail même impose à
l’individualité affirmée de l’artiste de sortir de son isolement pour se faire
réceptacle et miroir d’une sensibilité partagée, des luttes, des émotions, des
idées d’une humanité aussi semblable que différenciée.
Cécile ressent son devoir d’engagement dans le présent par l’intemporel de
son œuvre, elle est consciente de la nécessité que ses toiles, nées d’une
méditation intérieure, se fassent outils d’une communication. Et pourtant les
mots, les lettres, les signes, toute forme de graphisme reconnaissable,
semblent avoir disparu de sa nouvelle production. Ce n’est plus la citation de
l’écriture sur la surface du tableau qui nous ramène au discours. Aujourd’hui
dans la peinture de Cécile c’est le mouvement picturale qui fusionne avec la
parole, il en devient l’expression unique, accomplie dans une forme
tumultueuse, par ses éclats de couleurs et de masses progressivement réduites à
leurs parcelles, conduites vers le « rutilement » rimbaldien du bateau
ivre en proie à la fureur des
vagues, dans les clapotements furieux des marées.
Le petit atelier, fermé et assez sombre, où le peintre travaille, garde son
charme d’antan, d’ancien boutique artisane, mais se fait de plus en plus
suffoquant et le contraint à ne pas sortir du cadre. Carré du sol, forme
régulière et géométrique du châssis, bois renfermant la toile, huis clos de
l’artiste dialoguant avec ses fantasmes intérieurs, ce cadre se multiplie et se
fait image. Il arrive à
correspondre au tissu social restrictif et imposant du quotidien, au garde fou
d’une humanité inquiète continuant à se battre pour fuir l’asservissement, pour
se détourner d’un contrôle systématique. Pour esquiver les gardiens, car il
n’existe majeur élan vers la liberté que celui du prisonnier.
Emblématique, en ce sens, est la force qui se dégage des toiles. Comme si
ce contexte clos en déterminait la puissance de rupture, la tension tangible
vers l’implosion intérieure et l’explosion de son réverbère sur la toile. Comme
si le cadre allait, lui-même, explorer et briser ses limites. Comme si les
couleurs se saturaient par le manque d’air et de lumière.
Une violence abrupte, sauvage, se mêle à la tranquillité, au calme paisible
de Cécile lorsqu’elle réfléchit à sa matière, lorsqu’elle s’empare de son
geste, le poursuit dans le mouvement du bras, le guette sur la toile et en fait
le glissement progressif de la couleur dans la forme.
Au cours - et au cœur- de ce
mouvement il ya une trajectoire à suivre, rien n’est laissé au hasard et
pourtant rien n’apparaît artificiel car la tension est là, ressentie, profonde,
et pousse pour monter à la surface, atteindre nos entrailles et notre
intelligence.
Ses toiles, d’identique format, se juxtaposent, donnant vie à une véritable
forme narrative où chacune est, en même temps, la partie d’un discours et
l’élément constitutif d’une idée. Chaque châssis étant une scène destinée à
s’articuler en une longue séquence qui semble devoir se poursuivre jusqu’à
éclater, dans un mouvement insurrectionnel, de combat et de vie. De même, à
l’intérieur de chaque unité « physique » de la peinture, de chaque
toile, se distribuent d’autres tasseaux à lire dans l’ensemble, phonèmes d’un
langage chromatique, fragments d’un chaos apparent qui retrouve ainsi son
unité. Car la vague puissante se brise au rocher du réel, son écume explose
dans l’air, remplit l’atmosphère pour se renouveler et reprendre son
chemin. L’écriture picturale de
Cécile se fait dans le contraste, se poursuit de manière dynamique, au cours
d’une progressive addition d’incohérences qui rejoignent, miraculeusement, la
plus parfaite des cohérence, la logique contradictoire de tout être humain.
Celle qui fait d’une masse, d’une étendue, d’une surface, un mouvement vers les
individus et leurs unicités. La cohérence, donc, de chacun dans l’ensemble, des
différences affirmées se faisant, paradoxalement, unité. Comme si chaque
individualité, entité puissante, unique, fabuleuse, allait se joindre à
l’universel, se révélant partie d’une unité ancestrale et éternelle qui nous
dépasse.
La fragmentation de l’écriture se reflète dans les infinies possibilités de
lecture qu’offrent les suites des tableaux. L’association, la mise en rapport
de chaque lettre de ce curieux alphabet de matière en mouvement, pourra donner
un sens à ce terrain vague, parsemé de détrites, de signes à déchiffrer dans le
tumulte. Si on cherche la délicatesse du pinceau de l’artiste, sa subtilité, on
la retrouve, certes, mais presque étouffée par les volumes, écrasée par la
rapidité du geste, car la noblesse et la pureté des surfaces lisses
caractérisant les travaux précédents ont laissé la place à un magma apparemment
chaotique de pigments, au déroulement des formes qui se détruisent pour mieux
se retrouver. .
Dans ce magma retentit une voix qui tente de se dégager de ses chaines. Par
delà la technique, par delà la maitrise de la couleur et l’harmonie du trait.
Il en ressort une volonté de fer, un acharnement inattendu dans l’action. Le
désir de sortir d’un huis clos d’artiste, envoutante prison de la recherche,
domaine privilégié de la réflexion, pour s’ouvrir au monde, hurler ses
injustices, participer activement à la lutte. Car le sujet lui-même demande à
être exprimé. Contenu par le format répété et additionné, il cherche à
s’affirmer, comme l'individu socialisé, civilisé, inséré dans un système qui en
étouffe l’esprit de révolte et en cache la force insurrectionnelle.
Car la peinture de Cécile n’est pas neutre, ni décorative, elle s’engage
dans un discours cohérent, évoquant tout combat mené pour affirmer le droit à
la liberté et le respect de la dignité de l’homme. Ses toiles rendent hommage à
l’individualité de ceux qui luttent pour que la parole ne soit pas suffoquée,
pour que la vie soit à nouveau respectée dans l’éthique absolue de sa beauté.
Et elles font de ces individualités le cœur battant d’une humanité qui retrouve
sa fraternité, son langage commun. Si elles évoquent Roberto Saviano ou
Liu Xiaobo, elles ne se plient pas à l’engagement politique qui renie la forme
artistique pure, elles font de cette forme un concept à lire et à diffuser pour
que leur combat ne soit pas vain et que leurs mots continuent à se dérouler, à
avancer et à exploser dans les toiles brutes du quotidien.
Francesca Dosi
Paris, 2010.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire