"Je me suis souvent..."


La terre est bleue comme une orange (Eluard)

Commentaires et questions.
C’est quoi, en gros, ton point de départ ?
Je me suis souvent demandé ce que deviennent toutes les pensées non exprimées, ce que devenaient les perceptions effacées, les mêmes choses vues par les autres, ce que devenaient les silences assourdissants etc…Est-ce de « l’inconscient » est-ce de l’amnésie ? Je me suis faite ces réflexions, il y de cela, ce qui me semble être une éternité. Elles m’ont poursuivi, voir même, conditionné ma manière de peindre.
Longtemps de manière systématique, l’écriture dans sa graphie, sa forme, son esthétique mais surtout le sens qu’elle véhiculait était mon leitmotive, mêlé avec tout le fatras ridicule de la « com » du « message », du « sens », de la conscience…Avec tout ce qu’il faut rejeter des héritages, des apprentissages pour essayer d’être soi.

Cela en fait un peu une écriture en contrebande ?
J’avais une idée : Concilier l’esthétique du Mot et de son sens. Dans la veine de CY. Twombly. Un travail sur l’illisible et le lisible. Un palimpseste de phrases, témoignages de ces rencontres, la matière étant essentiellement le Pigment. Comme pour mieux essayer de se poser, de s’enraciner ?
Un rapport au langage pictural qui se nourrit des événements sociaux et politiques, de leurs échos plutôt. Ainsi, « Manifeste »1995. « Petite tentative de cartographie des maux » 1996. « Testament d’une démocratie moribonde »1997. « Diverses raisons de ne pas se rendre sourd » 1998. Un engagement que résumerait l’idée que rien n’est lisible immédiatement, le reste étant de la propagande. Pour « S’acheminer vers une pensée visuelle » (Pierre Ley).

Est-ce en quelque sorte, la découverte du plaisir de ne pas exclure l’écriture de l’art de peindre ? De ne pas accepter la séparation de l’une avec l’autre ?
Il y a d’abord une fascination récurrente quasi obsessionnelle du Mot. Avec le risque d’être didactique de peur que ce dialogue soit incompris et de croire que seul le recours, l’utilisation à l’écriture dans ma peinture donnait une consistance à ce dont je rêvais, ce que j’imaginais, pensais, ce qui me révoltais…
Peindre comme, un moindre mal, une manière de parler.
C’est par ce cheminement que je découvre un peu mieux ce que c’est que de peindre en me libérant de ce qui risquait d’être vu comme une béquille faite de mots.
À la fin des années 90, je me suis installée en Sicile puis tout un an en Chine.
Ces deux expériences marqueront ma manière de peindre, plus précisément ce qu’elles ont été de révélateur dans mon rapport à l’isolement et à  « l’incommunicabilité ». « Un monde insolite » 2006. « Trouble impassible » 2007. Autrement dit, me réapproprier la force de l’acte de se confondre avec la toile, la couleur, le geste. Représenter, voir. Voir ce que je n’ai jamais vu ?

C’est quoi alors peindre ?
Actuellement, après tours et détours de pinceau et des kilos de pigments, je dirais plus précisément, peindre c’est voir. Donner à voir comme dit le poète. Réaliser que la peinture dans sa gestualité, dans sa masse, sa couleur, sa substance, son alchimie peut se passer de mot. « Capital » 2009. « Matière » 2010.
Peindre devenait un moindre mal, pour dire. Après tout laissons discourir ceux qui savent bien parler. Là est la transition. Assumer son propre outil, au risque d’être incomprise. Toute mon énergie se nourrit de la force de la matière dans ce qu’elle a de plus tellurique, primaire.  « Tumultes » 2011. Peindre devient en quelque sorte une parole visuelle.
Brute dans sa gestualité mais essentielle car elle se passe de justification et de…Parole.
Dans ce paradoxe d’assumer son silence pour mieux s’exprimer.

Avec J.D. Patti, Sicile 2011.









Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire