Pourquoi nommer...

Nomen.
Photographie, Shigeru. 2016.

Écrire
Pourquoi nommer, à quoi sert un nom ?
À ce que les choses et les êtres existent.
On ne peut penser une chose, un lieu, un être que s'ils ont un nom. Celui-ci porte déjà en lui, une couleur, une histoire, connote ce, celui ou celle qui le porte. La subjectivité a présidé à son choix. Sans nom, rien n'aurait d'existence, pas même le rien.

Nomen, le nom. Il fait exister une œuvre dans et par le langage. C'est ainsi que tout cela a commencé à l'été 2011. J'ai été bouleversée par un nom : Tumultes. Celui d'une série d'œuvres de Cécile. Cet émoi est devenu la matière d'un livre, le prélude de notre rencontre. Une fructueuse collaboration et un second livre dans les années qui ont suivi, ont été le signe d'une amitié féconde. Nous avons poursuivi, ensemble, notre réflexion sur nos passions communes, la peinture, la Chine. C'est le chemin que j'ai suivi jusqu'à ces pages.
Ici s'agencent des noms chinois offerts, des encres sur papier, tracées par le geste du pinceau de Cécile leur donnant formes et couleurs, des réflexions que j'y agrège en mots.
Les étudiants de l'université de Xi'an – capitale de la province du Shaanxi en Chine – ont donc choisi, inventé un nom pour mon amie. Un nom qui, à leurs yeux, la dépeint.
Tout portrait se situe au confluent d'un rêve et d'une réalité, écrivait Georges Perec.
Chacune des lettres par lesquelles ils ont exprimé leur choix trouve ici sa place face aux œuvres dont elles sont l'origine.
Le don du nom est un acte poétique de la parole faiseuse de vie. Le don de ces noms-là est comme une porte ouverte sur le seuil d'un franchissement où se profile le mystère du geste du pinceau.
Dans les textes qui suivent, en regard des œuvres, j'ai voulu, dans un premier temps évoquer ces encres sur papier, mettre en mots le ressenti que fait naître leur contemplation.
Puis j'ai tenté de dire la substance de chacun des noms alloués. D'élargir mon propos dans une analyse de la portée, de la symbolique de ces mots dans les deux cultures, l’occidentale et la chinoise. J'ai abordé ce travail comme un essai d'exploration de tout cet espace qui entoure le nom, le fait osciller autour de ce qu'il représente, laisse apparaître les éléments ou le voisinage ou les analogies de ce qu'il nomme, comme l'écrit Michel Foucault dans Les mots et les choses.
Ce sont des noms poétiques, allégoriques comme Nuage piste,Plume ruisseau,Matin de printemps, etc.
L’œuvre dans les yeux et le nom dans l'esprit, j'ai laissé venir à moi les images d'autres peintures leur faisant écho ; cherché dans les mots des poètes, des romanciers, des philosophes parfois, des résonances qui me semblaient pertinentes, éclairantes ;confronté l’identité de chaque univers suggéré par ces noms dans les deux cultures.
Où l'on perçoit, à l'opposé des lieux communs, que le mot identité au sens d'individualité revêt parfois, d'Ouest en Est, sa valeur de coïncidence.
Barbara Sabaté Montoriol. Île-aux-moines, novembre 2015 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire