La distance requise...



Tu veux ma photo?
ou
Proxémies
en divagations désordonnées.

La distance requise pour dire quelque chose n’étant pas vraiment présente ni du point de vue de l’objet ni du sujet, (ce qui rend le « point de vue » lui même comme suspendu faute de pouvoir être posé ou possible) il faut quand même essayer d’articuler deux ou trois choses que je sais d’elles (de ces photos, de Cécile)

1/ D’abord il m’apparaît que la photo est toujours prise dans la répétition. Celle-ci (plus clairement encore si on veut, avec Freud) peut être mortifère, pas plus que les clichés langagiers après tout, mais pas moins. La répétition est toujours inconsciente aussi. Photographier c’est répéter inlassablement. Photographier c’est répéter inlassablement. C’est sans doute ce qui fonde ou motive la curiosité à son égard.

2/ La photo relève toujours de l’urgence. De l’instantané. Du précipité. De l’inconnu. De la surprise. De l’inattendu. (cf. Le mouvement «fais moi voir»)

3/ La photo s’est substituée à la peinture figurative et d’avoir été expulsée j’ai l’impression que celle-ci n’en finit pas de se venger parce que rien ne vaut qui ne fut longtemps travaillé. (Le développement serait trop long)

4/ Comme dans les mots. Dans le langage en général.
Les choses du réel qui bien sûr existent en elles mêmes n’existent pas pour soi avant d’être figées dans l’articulation verbale.
Orale ou écrite.
Comme dans le cas fréquent quand les mots dits par d’autres se mettent à exister pour soi.


5/ Idem pour les photos qui fixent au carré.
Il est inhérent à la photo de dire toujours plus que ce qu’elle
pourrait vouloir dire.
Quelque chose est toujours suspendu.
Et l’arrêt de l’image n’en finit pas d’induire l’arrêt sur image.
À peu y réfléchir il y a dans la photo quelque chose de rapide
d’instantané.
Dans l’instant quelque chose commence et se termine
clic clac kodak c’est fait!
Le temps d’un «cheese». c’est dans la boite. Paparazzi!
(Et faire sortir) ce qui à été mis dans la boite requière la
brutalité d’une attaque physique.
Il faut détruire la boite.
La déesse Modernité et son acolyte Vitesse ont réduit
le temps d’exposition, le temps du rapt, à la fraction de
seconde.
Et beaucoup moins encore.


6/ « Le site du Lycée d’Aristote » à Athènes aujourd’hui. C’est une photo (p.7 du Monde les livres du vendredi 12 janvier 2018) des restes au sol, des fondations et derrière
on voit des arbres très hauts cyprès et autres (un cyprès incliné à tomber ! comme un impensé photographique) mais alors cette stupéfaction mais alors donc Aristote devient contemporain ! Il vivait dans un environnement tout pareil au notre. Que la photo puisse être imposture n’est pas nouveau sous le soleil.

7/ Effets et sens sont aussi toujours dans l’après coup (élaboration...) On ne sait pas ce que l’on photographie.
On a beau écarquiller c’est toujours au mieux d’un œil qu’on met en boite.
Inconnu inhérent et irréductible donc.
C’est ainsi que l’on tombe in love du sujet photographié souvent.

8/ En général on prend en photo ce qui nous affecte. Ici et maintenant.
D’une façon ou d’une autre.
La photo au présent. 

C’est au présent qu’elle se prend.
Mais c’est vers le passé qu’elle nous tire.
Jusqu’à abolir le passage du temps.
Passé présent intemporel.
Par ce regard qui me regarde.
Jusqu’à l’insupportable qui oblige à détourner le regard.
Insoutenable.

9/ Alors ces photos?
Figure de la répétition avons nous dit. Qu’est ce qui se répète?
Par le voyage par les visages par les gestes par les postures par les lieux par les rires par les rencontres par les enfants par les vieux sages et les femmes forcément belles.

10/ les lignes de forces de ces histoires de ces récits mises en forme comme la Sicile et la mer.
La mer permanente comme l’amitié.
La Chine lointaine différente et indifférente.
Singulière comme impénétrable.
Comme l’esprit comme les mots, les photos tendent souvent à ramener l’inconnu au connu.
Le Tibet ailleurs. Que les photos ne visent pas à rapprocher. L’inde : ses odeurs, ses couleurs, ses foules et ses coexistences de l’agitation et du retrait.
Sont-elles un peu saisies ici ?
Il n’est pas facile de percevoir ce que l’on voit ; il faut beaucoup d’efforts, de concentration sur l’instant présent, sur ce qu’il offre à notre regard, pour ne pas limiter nos yeux à leur simple fonction de chambre noire.
Aveugles : ceux qui se sont contentés de voir, tranche Heidegger. Il a raison, hélas.
Jean-Marie Blas de Roblès, L’épaisseur de la chair, 2017.
Tu veux ma photo ?
ou bien
proxémies.
C’est à dire occupation de l’espace entre les choses les êtres vivants.
J. Donato, Paris, le 23 janvier 2018 

                               


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